"Le pays qui est en fait "nulle part" est
votre vraie maison." Alexandra David Néel.
Le voyage. Ah, ce mot qui fait tant rêver. Mais qu'est ce donc
vraiment que le voyage? Je pourrais citer un voyageur français qui a marque
notre temps, le grand Claude Lévi-Strauss, quand il écrit pour ouverture de son
livre Tristes tropiques par la terrible phrase :"Je hais les voyages et
les explorateurs." Mais, c’est bien connu, Mr Lévi-Strauss n’était pas un
homme de terrain. Son voyage à lui était tout d’abord intellectuel, plus que
corporel.
Pour ma part, je ne hais pas les voyages, ni les
explorateurs. D'ailleurs, je ne me considère même pas comme une voyageuse,
puisque c'est des années durant que j'ai vécue dans différents pays, tel les
Etats Unis, le Danemark, ou le Népal. Le voyage en lui même, de bouger d'un
endroit a l'autre, non, je dois avouer que je ne suis pas fan. J'aime rester
quelque part, j'aime y travailler, y rencontrer des gens, j'aime y vivre.
Et puis, une chose que la vie m’a apprise, est que je ne
hais vraiment rien, je suis bien trop feignante pour cela. Si peut être
parfois, je ne comprends pas quelque chose, si le sujet m’intéresse, il me faut
alors approfondir le sujet. Une fois que j’ai fais le tour du sujet, il
s’evanouie et devient simple objet d’observation. Si je ne suis pas forcement du même avis, cela ne
veut pas dire que je dois haire pour autant. Bien entendu, nous avons tous nos
gouts, mais nos gouts changent avec le temps. Ce que j'aimais hier n'est pas
forcement ce que j'aimerais demain, et vice versa. L'amour d'ailleurs est un
bien grand sujet, un sujet que tout voyage mets bien à l'épreuve, puisque le
vrai, le grand voyage est une découverte de soi même, jusqu'à l’absence d’un
soi constant. Et puis, si vraiment je n'aime pas quelque chose, je n'y prête
juste pas attention. Pourquoi gâcher du temps avec quelque chose que l'on
n'aime pas, quand il y a tant de choses à aimer... Maya, maya, quant tu nous
tiens ! Jusqu'à ce qu’aimer tout veut dire ne rien vraiment aimer, il ne reste
plus qu’à observer et à jouer au théâtre de la vie. On devient alors l’artiste
conscient de sa propre vie, loin du formatage de la société, de la famille,
toutes ces modes qui passent comme le vent.
" Si tout n’est qu’illusion, alors, il faut choisir l’illusion que l’on
préfère. " Baba Charlie.
Alors, pourquoi choisir cette phrase pour ouvrir une pensée
sur le voyage? Tout simplement, pour mon amour des livres, un hommage. Car, les
livres, eux aussi sont des grands voyages, et les Tristes tropiques m'on tenue
compagnie durant une marche d’un mois dans l'Ouest du Népal qui m'a beaucoup
marquée. Même quand je ne suis pas d’accord, les livres demeurent de fideles
compagnons.
"L'aventure, cette revanche sur la vie." Vincent Greby.
Le voyage, c'est bien l'aventure. On ne peut jamais prévoir à
quel point il va nous changer. Si certains recherchent juste à confirmer des
pensées déjà préconçues, d'autres plus courageux, osent se remettre en
question. Le vrai voyage, est bien loin de la carte postale, des temples à n'en
plus finir, ou des repas dans des grands hôtels. Le vrai voyage fait peur, il
est terrifiant, le vrai voyage nous amène au bord de nos limites, physiques et
psychologiques. Le vrai voyage nous ramène à nous même, il épure, il nettoie le
superflue, ne laissant derrière lui qu'une carcasse qui nous reste plus qu’à
reconstruire entièrement.
Picasso disait que pour regarder de l'art, il est nécessaire
de laisser ses bagages derrière soi. Le voyage est un art, l'art de s'ouvrir au
monde et à d'autres façons de penser. Le voyage nous fait comprendre que tout
ce que nous sommes ne sont qu'idées reçues, et que la réelle découverte réside
dans le fait de pouvoir mettre ces idées à dure épreuve, pour enfin pouvoir se
créer.
Aventureuse que je suis, j'ai mises mes idées à dure
épreuves. Pour cela j'ai absorbée des cultures, comme certains mangent des
sucreries. Pour une bonne absorption,
comme pour un bon repas, il faut digérer. Alors, j'écris, c'est ma forme de
digestion. Presque 40 ans plus tard, 26 ans hors de mon pays natal, j'ai besoin
de partager ce gros repas. "L'art est l'organisation du chaos apparent de
la vie" disait un artiste dont j'oublie le nom. Alors, depuis gamine, l’écriture
a toujours était pour moi une façon d’organiser mon monde intérieur. J'écris, je noircie des pages, je griffonne.
Durant nos voyages, un jour vient, ou certaines
responsabilités nous rappelle à la "maison". Ce terme
"maison" est lui même une grande question. Car la "maison"
devient bien autre chose, après l'avoir quittée de si nombreuses fois, ou
l'avoir portée sur son dos à travers des territoires inconnus. La
"maison" devient le cœur, la maison devient un repas entre amis, la
maison devient soi même, on apprend à vivre avec soi, partout, ou que l’on soit.
Parfois, on n’a d’autre choix que de s’adapter. On apprend que la
"maison", home sweet home, est proche du Om des Hindous et
Bouddhistes. Cet Om, le son de l'univers, mantra psalmodié à longueur de journée
par certains, tournant les moulins à prières. Cet Om, dont on ne peut se
défaire, même au fin fonds du monde. Car cet Om, c'est nous mêmes, ou plutôt
notre relation avec nous mêmes face au monde qui nous entoure.
Une partie de mon Om, c'est la famille. Ma famille
m'appelant, je rentre. Française en France, je reviens, je fais une nouvelle
pause de digestion.
Le voyage, s’il peut être très physique, est aussi un
endroit psychologique. A travers le voyage, c'est surtout un espace intérieur
que nous explorons. Comme l'enfance, l'amour ou autre émotions, comme la faim ou
le confort, ces endroits sont des espaces que nous pouvons revisiter quand nous
le souhaitons. Il suffit de sortir une photo d'un endroit jadis visité pour y
retourner, l'espace d'un instant sans durée. Il suffit de sentir l'odeur de la
tarte qu'une grand mère faisait pour retourner dans un espace de notre enfance.
Il suffit de tomber amoureux pour se retrouver dans l'espace amoureux. Ces
états intérieurs sont bien des espaces géographiques, tout aussi réel que n'importe quelle ile, désert,
jungle, ou montagnes enneigées.
L'espace intérieur, comme une cathédrale virtuelle faite de
souvenirs ou chaque brique est une mémoire, est notre propre création. A chacun
de créer la cathédrale de nos rêves. Certains aiment accumuler des objets,
d'autres décident de se séparer des objets, se demandant même si la cathédrale
est nécessaire à leur bonheur, et si une petite chambre ne fera pas simplement l'affaire.
C'est avec le temps que l'on apprend à découvrir. Le temps
n'est ni linéaire, ni circulaire, le temps est le temps, c'est tout. Il ne
demande rien, ne veux rien, il est là et cela lui suffit. Le temps, tout comme
l'espace, ne change pas. Ils sont aussi immuables que l'impression qu'ils
existent vraiment. Seule notre perception de ces concepts change. Et seul ce
changement de perception nous apporte nos valeurs de vie et de mort.
Cette cathédrale intérieure, que nous nous sommes tous
fabriques, seulement nous même pouvons la façonner à nos gouts. Les outils que nous avons pour cette tache sont nos
senses. Et comme pour tout outil, nos senses doivent être bien affutés, ils
doivent être entretenus et compris, pour pouvoir les utiliser à bon essuie. Comme
pour toute machine, il faut s’avoir l’entretenir et s’en servir.
Le plus profondément on étudie notre cathédrale intérieure, le
plus on réalise que cette cathédrale n'existais pas vraiment, qu'elle n'est
qu'artifice, comme toute création, une sorte de paradis artificiel faite de
sucre. La vraie cathédrale, comme le graal, est le grand voyage: elle est en
mouvement constant. Elle est notre découverte du monde dans lequel nous vivons,
découverte à travers laquelle nous nous re-trouvons. Le graal n’était qu’une
histoire parmi d’autres, il n'était qu'un appas pour nous faire avancer dans nous-mêmes.
Le vrai voyage ne s'arrête jamais, il change de direction, il évolue en même
temps que nous. Le grand voyage, c'est la vie elle même. Que l'on traverse le
monde de part et d'autres ou que l'on fasse une famille dans notre village
natal, la vie est l'art du voyage, et il commence toujours ici et maintenant.
" Le caractère de toute choses composées est
l'impermanence. " Sakyamuni Buddha.
Le voyage c'est la liberté de l'incertitude, alors, que l’on
le veuille ou non, le voyage continu. La
vie devient une construction permanente de soi, le voyage comme l’ouverture au grand vide de sa propre vie...lieu de toutes possibilités...
"Je n'ai jamais prétendue vous enseigner quoi que ce
soit. Je vous invite simplement à considérer, à douter, et à chercher." Alexandra
David Néel.
Photos prises a Kathmandou, Nepal.